7 juil. 2017

La tresse (♥♥♥♥♥ / Coup de coeur) écrit par Laetitia Colombani - Éditions Grasset

Titre: La tresse
Auteur: Laetitia Colombani
Genre: Contemporain
Nombre de pages: 224
Date de sortie: 10/05/2017
Prix du livre papier: 18€00
Prix du livre numérique: 12€99
ISBN: 9782246813880
Editions: Grasset





Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.



Mon avis:
La tresse, un titre simple et pourtant fortement poétique et puissant. Ce livre nous parle de trois femmes : Smita, une indienne qui vit dans le village de Badlapur avec son époux et sa fille Lalita. Cette femme travaille dans d'atroces conditions puisqu'elle passe ses journées à ramasser les déchets organiques des autres habitants, évidemment elle ne souhaite pas que sa fille ait la même vie qu'elle, c'est pourquoi elle prend la fuite et part avec Lalita loin de son mari afin de rejoindre la ville.
Giulia est sicilienne, elle travaille dans l'atelier de son papa, il fabrique des perruques avec les cheveux que les Siciliens leur donnent. Suite à une hospitalisation, Giulia va devoir reprendre les rênes de la société et prendre de grandes décisions afin de relancer l'affaire de son père.
La dernière femme se prénomme Sarah, c'est une canadienne, avocate et mère de trois enfants. Elle jongle parfaitement entre sa vie professionnelle et personnelle jusqu'au jour où un gros souci de santé vient tout remettre en cause.
Le point commun entre ses trois extraordinaires personnes : le courage !
Elles ont toutes les trois de grandes décisions à prendre et il leur faudra beaucoup de courage pour mener leurs combats respectifs.

Le titre s'explique par ces destins de femmes qui, comme une tresse, s'entrecroisent avec subtilité. Elles ne se connaissent pas, ne se verront jamais et pourtant, chacune compte pour l'autre...
Ce livre est exceptionnel, il est magnifique, prenant, intense, émouvant, touchant... On s'attache avec facilité aux personnages, ces trois femmes nous transportent dans leur quotidien qui est loin d'être facile.
Un premier roman remarquable, ne passez pas à côté !
La tresse de Laëtitia Colombani a reçu le Prix Relay des Voyageurs Lecteurs dernièrement, une récompense largement méritée. Un livre qui restera très longtemps dans mon cœur.
Je remercie Le Prix Relay des Voyageurs Lecteurs pour la découverte de cette merveille littéraire.


Ma note:



Vous l'avez lu ? Notez-le:

Les premières lignes:
Smita
Village de Badlapur, Uttar Pradesh, Inde.
Smita s’éveille avec un sentiment étrange, une urgence douce, un papillon inédit dans le ventre. Aujourd’hui est une journée dont elle se souviendra toute sa vie. Aujourd’hui, sa fille va entrer à l’école.
À l’école, Smita n’y a jamais mis les pieds. Ici à Badlapur, les gens comme elle n’y vont pas. Smita est une Dalit. Intouchable. De ceux que Gandhi appelait les enfants de Dieu. Hors caste, hors système, hors tout. Une espèce à part, jugée trop impure pour se mêler aux autres, un rebut indigne qu’on prend soin d’écarter, comme on sépare le bon grain de l’ivraie. Comme Smita, ils sont des millions à vivre en dehors des villages, de la société, à la périphérie de l’humanité.
 Tous les matins, c’est le même rituel. À la manière d’un disque rayé rejouant à l’infini une symphonie infernale, Smita s’éveille dans la cahute qui lui sert de maison, près des champs cultivés par les Jatts. Elle lave son visage et ses pieds à l’eau rapportée la veille du puits, celui qui leur est réservé. Pas question de toucher à l’autre, celui des castes supérieures, pourtant proche et plus accessible. Certains sont morts pour moins que ça. Elle se prépare, coiffe Lalita, embrasse Nagarajan. Puis elle prend son panier de jonc tressé, ce panier que sa mère portait avant elle et qui lui donne des haut-le-cœur rien qu’à le regarder, ce panier à l’odeur tenace, âcre et indélébile, qu’elle porte toute la journée comme on porte une croix, un fardeau honteux. Ce panier, c’est son calvaire. Une malédiction. Une punition. Quelque chose qu’elle a dû faire dans une vie antérieure, il faut payer, expier, après tout cette vie n’a pas plus d’importance que les précédentes, ni les suivantes, c’est juste une vie parmi les autres, disait sa mère. C’est ainsi, c’est la sienne.
C’est son darma, son devoir, sa place dans le monde. Un métier qui se transmet de mère en fille, depuis des générations. Scavenger, en anglais le terme signifie « extracteur ». Un mot pudique pour désigner une réalité qui ne l’est pas. Ce que fait Smita, il n’y a pas de mot pour le décrire. Elle ramasse la merde des autres à mains nues, toute la journée. Elle avait six ans, l’âge de Lalita aujourd’hui, quand sa mère l’a emmenée pour la première fois. Regarde, après tu feras. Smita se souvient de l’odeur qui l’avait assaillie, aussi violemment qu’un essaim de guêpes, une odeur insoutenable, inhumaine. Elle avait vomi au bord de la route. Tu t’habitueras, avait dit sa mère. Elle avait menti. On ne s’habitue pas. Smita a appris à retenir son souffle, à vivre en apnée, il faut respirer, a dit le docteur du village, voyez comme vous toussez. Il faut manger. L’appétit, ça fait longtemps que Smita l’a perdu. Elle ne se souvient plus comment c’est, d’avoir faim. Elle mange peu, le strict minimum, une poignée de riz délayé dans de l’eau qu’elle s’impose chaque jour à son corps défendant.
Des toilettes pour le pays, le gouvernement l’avait pourtant promis. Hélas, elles ne sont pas arrivées jusqu’ici. À Badlapur comme ailleurs, on défèque à ciel ouvert. Partout le sol est souillé, les rivières, les fleuves, les champs, pollués par des tonnes de déjections. Les maladies s’y propagent comme une étincelle sur de la poudre. Les politiciens le savent : ce que réclame le peuple, avant les réformes, avant l’égalité sociale, avant même le travail, ce sont des toilettes. Le droit à déféquer dignement. Dans les villages, les femmes sont obligées d’attendre la tombée de la nuit pour aller dans les champs, s’exposant à de multiples agressions. Les plus chanceux ont aménagé un recoin dans leur cour ou au fond de leur maison, un simple trou dans le sol qu’on appelle pudiquement « toilettes sèches », des latrines que les femmes Dalits viennent vider chaque jour à mains nues. Des femmes comme Smita.
Sa tournée commence vers sept heures. Smita prend son panier et sa balayette en jonc. Elle sait qu’elle doit vider vingt maisons, chaque jour, pas de temps à perdre. Elle marche sur le côté de la route, les yeux baissés, le visage dissimulé sous un foulard. Dans certains villages, les Dalits doivent signaler leur présence en portant une plume de corbeau. Dans d’autres, ils sont condamnés à marcher pieds nus – tous connaissent l’histoire de cet Intouchable, lapidé pour le seul fait d’avoir porté des sandales. Smita entre dans les maisons par la porte arrière qui lui est réservée, elle ne doit pas croiser les habitants, encore moins leur parler. Elle n’est pas seulement intouchable, elle doit être invisible. Elle reçoit en guise de salaire des restes de nourriture, parfois des vieux vêtements, qu’on lui jette à même le sol. Pas toucher, pas regarder.
Parfois, elle ne reçoit rien du tout. Une famille de Jatts ne lui donne plus rien depuis des mois. Smita a voulu arrêter, elle l’a dit un soir à Nagarajan, elle n’y retournera pas, ils n’ont qu’à nettoyer leur merde eux-mêmes. Mais Nagarajan a pris peur : si Smita n’y va plus, ils seront chassés, ils n’ont pas de terre à eux. Les Jatts viendront incendier leur cahute. Elle sait de quoi ils sont capables. « On te coupera les deux jambes », avaient-ils dit à l’un des leurs. On a retrouvé l’homme démembré et brûlé à l’acide dans le champ d’à côté.
Oui, Smita sait de quoi les Jatts sont capables.
Alors elle y retourne le lendemain.

Quelques mots sur Laetitia Colombani:
Laetitia Colombani
Laetitia Colombani est scénariste, réalisatrice et comédienne. Elle a écrit et réalisé deux longs-métrages, À la folie… pas du tout et Mes stars et moi. Elle écrit aussi pour le théâtre. "La tresse" est son premier roman.

En images:

Bibliographie:
La tresse

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1 commentaire:

  1. Ce livre est tellement bon !
    J'ai eu moi aussi un coup de cœur en le lisant... Magnifique.

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