19 avr. 2016

Risk (♥♥♥) écrit par Fleur Ferris - Éditions Hugo New Way

Titre: Risk
Auteur: Fleur Ferris
Genre: Contemporain
Nombre de pages: 312
Date de sortie: 03/03/2016
Prix support papier: 17€00
Prix format numérique: 12€99
ISBN: 978-2755623239
Editions: Hugo New Way
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Synopsis:
Taylor et Sierra sont meilleures amies depuis toujours. Mais pourquoi est-ce inlassablement Sierra qui obtient tout ce qu’elle veut ? Comme ce mystérieux Jacob Jones, qu’elles ont rencontré ensemble sur un chat en ligne… Évidemment, c’est Sierra qui décroche un rendez-vous ! Pourtant, le lendemain, Sierra ne rentre pas.
L’amie de Taylor a une fâcheuse tendance à vivre comme bon lui semble, sans forcément penser à prévenir les autres. Taylor ne s’inquiéterait-elle pas pour rien ? Mais au bout de trois jours, la jeune fille doit tout avouer aux parents inquiets, et son entourage se retrouve plongé dans un monde qu’ils n’auraient jamais cru connaître. Celui des enquêtes policières, des témoignages, de la recherche d’un ravisseur… ou d’un tueur ?


Mon avis:
Je remercie les Éditions Hugo Roman pour cette lecture. 

Ma notation:

Vous l'avez lu ? Notez-le:

Informations:
Ce roman contient 27 chapitres assez courts. La police d'écriture est grande. Ces deux éléments permettent une lecture confortable et rapide. C'est un livre qui se lit en seulement quelques heures.

Mes ressentis:
Les dangers du net, un sujet que nous avons tous évoqué un jour ou l'autre avec nos enfants. "Méfie-toi, tu ne sais pas qui se trouve derrière l'écran", "Oui, elle a beau dire qu'elle a ton âge, mais peut-être que ce n'est pas le cas...", des phrases que je répète et répète à mes filles presque quotidiennement. Aujourd'hui tout se passe sur internet, les jeux sont en ligne, si tu n'es pas inscrit sur un réseau social tu n'es pas "normal", se prendre en photo sur instagram c'est cool, et voilà ce que je vais porter aujourd'hui : ma nouvelle coiffure, mes nouvelles lunettes... Plus d'intimité, plus de secrets, les ados utilisent le net comme un journal intime que tout le monde peut lire.
Où sont les limites ? Comment les instaurer ?
Tant de questions qui deviennent encore plus concrètes après la lecture de Risk.
Taylor et Sierra sont deux amies de quinze ans, elles sont très proches, partagent leurs secrets, se protègent mutuellement, font tout ensemble et justement lorsque Sierra prend contact avec un inconnu sur un site de chat, Taylor garde le silence pour protéger son amie. Elle se sent, elle aussi en confiance parce que l'inconnu lui donne une photo, il est beau, jeune et sympathique. Sierra obtient très vite un rendez-vous avec le garçon et de ce rencard, elle ne reviendra jamais.
Imaginez un peu le traumatisme pour Taylor qui va devoir se livrer à la police, dire la vérité sur l'emploi du temps de son amie et aussi affronter la maman de Sierra et les regards de ses camarades d'école qui, pour certains, la tiennent pour responsable.
La jeune fille va passer par toutes les étapes du deuil : le déni, la colère et l'acceptation.
Au début, elle va avoir beaucoup de mal à croire à ce qui est arrivé à Sierra, pour elle, elle ne courait aucun danger et était même presque amoureuse de ce jeune garçon du net.
Puis, elle va être en colère contre Sierra d'abord, puis contre elle et contre cet homme qui les a trompées.
Pour finir, elle va "accepter" si on peut dire cela comme ça, elle va surtout tirer des leçons de cette histoire et en faire quelque chose d'utile.
Je découvre à travers ce livre la plume de Fleur Ferris. Simple et efficace, elle va droit au but et n'hésite pas à écrire le pire scénario pour donner plus de valeur et de sens à son texte. Comment ne pas être touché par la mort d'une jeune fille de quinze ans ? C'est presque l'âge de ma fille... Ça pourrait-être ma fille.
Risk est un très bon roman jeunesse qu'il est nécessaire de mettre entre toutes les mains des jeunes et des moins jeunes. Je pense que ce livre peut prévenir, peut alerter et c'est déjà une bonne chose.
J'ai aimé, je l'ai lu en une journée, parce que je n'ai pu faire autrement.
Un livre que je vous conseille vivement !


Les premières lignes:
-Chapitre 1-
Avec Sierra, nous passons des heures comme ça, moi sur mon iPad et elle sur mon ordinateur portable, ensemble sans vraiment l’être, à parler avec d’autres personnes.
– J’en ai un, m’annonce-t-elle.
Sans prendre la peine de relever les yeux de Facebook, je lui demande :
– Tu es sur quoi ?
– Mysterychat.
– Je croyais que tu étais interdite de séjour là-bas.
– Je le suis, confirme-t-elle avec un sourire rusé. C’est pour ça que je vais sur ton ordi. Ta mère est déjà incapable de comprendre comment marche Facebook, alors avant qu’elle sache quels sites tu fréquentes, on est tranquilles.
Âge ? Sexe ? Lieu ?
– Je peux être Taylor ? me supplie Sierra.
– N’y pense même pas.
– Juste pour voir ce que ça donne, décrète-t-elle en se mettant à taper sur le clavier. Je ne vais pas inventer n’importe quoi, au cas où ce serait un mec et qu’il serait mignon.
J’éclate de rire.
– Depuis quand on trouve des beaux mecs sur ce site ?
– Ah, il dit qu’il a dix-huit ans. J’y crois pas ! Il habite à Melbourne ! piaille Sierra.
Je me redresse sur mon lit pour regarder ce qu’elle fait. Elle tape comme une folle sur le clavier.
On est deux filles de 16 ans. Nous aussi, on est sur Melbourne ! Tu peux nous appeler S & T.
– Sierra ! On n’a pas seize ans !
– Ça, il en sait rien. Il faut ça passe pour légal légal.
– Peut-être, mais si en fait il est vraiment sympa et qu’il doit se passer quelque chose… Bon, ça n’arrivera jamais, mais quand même. Si ça devait se produire, on partirait sur un mensonge !
– Relax ! Un an, c’est rien du tout, et en plus, c’est l’histoire de quelques mois.
Slt, S & T. Moi, c’est J. Enchanté.
– Au moins, il ne nous demande pas de lui montrer nos seins, fait remarquer Sierra.
Nous nous esclaffons toutes les deux, puis elle répond :
T’es où dans Melbourne ?
Le retour est immédiat : Brighton.
– Wah, à la plage ! Il doit être riche, conclut Sierra.
– Mouais, ou alors c’est un gros dégueu de trente ans qui habite à Pétaouchnok.
À cette idée, je frissonne de dégoût et me penche de nouveau sur ma tablette.
– Tu fais quoi ? se renseigne Sierra.
– Je chat sur Facebook, avec Riley. Elle a rompu avec Joel pendant les vacances.
– Encore ? s’exclame Sierra en levant les yeux au ciel. Elle devrait vraiment écouter Taylor Wolfe. Tu as entendu sa dernière chanson ? (Elle se met debout, brandit un stylo en guise de micro.) Ne reviens pas en arrière, je te l’ai bien dit, une fois que c’est derrière, tout est vraiment fini.
Elle imite parfaitement la voix de Taylor Wolfe, mais je me retiens de le lui dire : ce n’est pas comme si elle avait besoin d’être encouragée. Elle porte déjà la même frange que la star, les mêmes fringues, elle s’exprime comme elle et chante aussi bien. Et elle a beau revenir de six semaines à la neige en Amérique du Nord, où c’est l’hiver, ses longues jambes fines sont bronzées, exactement comme celles de Taylor.
– C’est le short qu’elle portait dans Ellen, précise Sierrra, qui exécute un tour complet sur elle-même pour me faire admirer ses fesses.
– Oui, j’avais remarqué, et ouiii, c’est hallucinant comment tu lui ressembles.
J’affiche une mine exaspérée, mais elle n’est pas dupe.
– Et toi, tu as son prénom. J’aurais bien aimé que ma mère m’appelle Taylor. Tu imagines !
– Bof, tu trouves que Taylor Gray, c’est un nom si intéressant ? Au moins, Sierra Carson-Mills, ça fait… raffiné.
Sierra part sans cesse à la pêche aux compliments, et sans comprendre pourquoi, même si je perçois son manège, je les lui débite. Parfois, je me chronomètre, et en très peu de temps, les flatteries s’échappent de ma gorge comme le pétrole jaillit de son puits.
Mon amie se rassied devant l’ordinateur, quand un petit tintement indique l’arrivée d’un message. Pourquoi est-ce toujours Sierra qui récolte tous les garçons ?
– Je croyais que tu craquais sur Callum, dis-je en m’efforçant de paraître indifférente. Vous ne vous êtes pas embrassés, à la fin de l’année ?
– Bah, juste une miniséance de bécotage, c’était rien du tout.
Je fais mine de continuer à parcourir ma page Facebook. Je le garde pour moi, mais je crache sur Callum depuis toujours. J’ai masqué ma déception lorsque Riley m’a annoncé ce qu’elle avait vu lors d’une fête avant les vacances d’été : « J’étais à l’autre bout de la pièce… C’était blindé de monde, mais on aurait vraiment dit qu’ils s’embrassaient. » Moi qui avais quitté la soirée tôt à cause d’une migraine, je le regrettais maintenant. Pendant tout l’été, j’avais stressé : c’était vrai ou pas ? Je mourais d’impatience que Sierra revienne, pour lui demander ce qui s’était passé. Je n’aurais jamais cru qu’elle s’intéresserait à Callum… et je ne savais pas qu’elle lui plaisait, parce que de son côté, il ne semblait pas lui prêter une attention particulière. Peut-être fait-il partie de ces gars qui, quand une fille leur plaît, parlent plutôt à sa copine à côté, pour ne rien laisser paraître.
– Je ne voulais pas aller trop loin, poursuit Sierra. Je dois rester libre pour Chumpy Pullin, snowboardeur numéro un de tout l’univers.
Je grommelle :
– Oh non, encore lui !
Cependant, je suis toujours préoccupée par ce que peut impliquer une « miniséance de bécotage ». Un baiser ? Deux ? Quel genre de baisers ?
– Il est trooop beau, soupire Sierra. Et il était là. Je l’ai vu de loin. Je lui ai roulé une pelle il y a trois ans, tu sais.
– Donc, quand tu avais douze ans ! Non, tu n’as pas embrassé Chumpy Pullin. Est-ce que tu lui as adressé la parole, au moins ?
– Non, reconnaît-elle avec un sourire. Mais il me semble bien avoir croisé sa sœur au remonte-pente.
Elle se retourne vers l’écran.
Encore au lycée ? tape-t-elle.
En dernière année. Je voudrais faire médecine après. Et vous ?
– Alors, qu’est-ce que tu vas inventer, maintenant ? Il ne va pas s’intéresser à quelqu’un de deux ans de moins que lui ! dis-je d’un ton moqueur.
Avant-dernière année et j’aimerais faire des études de droit, répond Sierra sans se démonter.
– T’es infernale. Tu sais ce qui va se passer, non ? Le fameux « J » va se révéler super-sexy et cool, et tu devras avouer tous tes mensonges.
– Qu’est-ce qui te dit que je me prépare par pour faire du droit ? demande-t-elle avec une moue boudeuse.
– Parce qu’il te faudrait limite des résultats de dingue dans toutes les matières. Tu rêves, c’est hors d’atteinte. Pour moi aussi, d’ailleurs.
– Juste pour moi, tu veux dire.
Parce qu’avoir une famille encore entière, dont un père qui possède une station de ski aux States, de l’argent à cramer, exceller en sport et bénéficier d’un physique sublime, ça ne suffit pas.
J, c’est l’initiale de Jacob.
T, de Taylor, répond Sierra, qui envoie avant que je puisse l’arrêter.
– J’ai dit non, et je suis sérieuse.
Elle se fait tout le temps passer pour moi sur Internet, et je déteste ça.
– Sierra, c’est l’heure !
C’est Rachel, sa mère. Je bondis de mon lit et me rue vers la porte. Si elle nous surprend sur Mysterychat après ce qui est arrivé la dernière fois, elle va péter un câble. J’entrebâille la porte et trouve Rachel juste derrière. J’ouvre plus grand avec le sourire, mais je sens le rouge qui me monte aux joues.
– On arrive.
J’obstrue le passage, l’attitude la plus naturelle possible, pendant les quelques secondes qu’il faut à Sierra pour me rejoindre, rouge elle aussi.
– Je suis prête. On se voit lundi pour la rentrée, ajoute Sierra avec un clin d’œil.
J’aide maman à préparer le dîner et mets le couvert avant de retourner dans ma chambre. Mon téléphone affiche un nouveau mail.
Jacob Jones.
J, c’est l’initiale de Jacob.
Incrédule, je garde les yeux rivés sur ce nom. Comment Sierra a-t-elle osé lui donner mon adresse ? Je clique sur le message.
Salut Taylor,
C’était sympa de te rencontrer. Ça te dirait qu’on continue à échanger par mail ?
Jacob
Aussitôt, je réponds :
Jacob,
C’est ma chère copine Sierra que tu cherches. Moi, je suis Taylor, j’ai quinze ans, je ne ressemble pas du tout à Taylor Wolfe, je n’ai pas envie d’étudier le droit, et je ne compte absolument pas t’envoyer une photo de mes seins.
Taylor
Je m’installe plus confortablement dans mon siège pour me calmer, tout en surveillant ma boîte.
Un deuxième mail me parvient.
Chère Taylor,
Je comprends très bien que tu n’aies pas envie de faire de droit, j’ai du mal à imaginer plus ennuyeux. Tu as quinze ans, d’accord. Je ne vois pas trop si tu trouves ça positif ou le contraire, donc je ne sais pas quoi tu répondre là-dessus. Je suis conscient que toutes les filles appelées Taylor ne ressemblent pas à Taylor Wolfe, tout comme les Kylie ne ressemblent pas forcément à Kylie Minogue, etc. Et je t’en prie, ne m’envoie surtout pas une photo de tes seins ! Ça serait très gênant.
Jacob
PS : Je comprends maintenant que c’était ta copine Sierra qui m’a parlé tout à l’heure. Tu es assez imprévisible, mais tu m’as aussi l’air très intéressante.
PPS : Qu’est-ce qui te fait envie, à défaut du droit ?
PPS : Je n’ai pas du tout la tête de Jacob dans Twilight, et je n’ai pas non plus la capacité de me transformer en loup.
Je lis et relis son message. Il doit vraiment s’imaginer que je suis une pauvre tarée. Après l’avoir parcouru une dernière fois, je bloque sur le « très intéressante ». Intéressante. Mon rythme cardiaque s’accélère un brin et je sens malgré moi les commissures de mes lèvres qui se relèvent.
Je prends une profonde inspiration et retiens mon souffle quelques secondes avant d’expirer.
Cher Jacob,
Je te présente toutes mes excuses pour mon mail ridicule de tout à l’heure. J’imagine que ce n’est pas évident pour toi de te remettre de mes piques sur Taylor Wolfe et les photos, mais je veux quand même préciser que je ne suis pas cruche ni folle. C’est juste, je ne savais pas que Sierra t’avait donné mon adresse, et j’étais énervée. Je n’utilise pas Mysterychat et je n’irais jamais donner mon email à quelqu’un que je viens de rencontrer, au cas où ce serait un psychopathe.
T. G.
PS : En fait, tu ne fais pas du tout psychopathe.
J’appuie sur « envoyer ».
– Taylor, à table !
La voix de maman me fait sursauter. Je laisse tomber mon téléphone sur le lit et descends les marches quatre à quatre.
Pendant le dîner, nous bavardons au sujet du voyage au ski de Sierra.
– Elle s’est remise du décalage horaire ? me demande maman.
– Elle a dormi jusqu’à cet après-midi, avant de venir avec Rachel, mais elle est encore un peu à plat. Elle va rattraper son quota de sommeil avant la rentrée lundi. Elle est impatiente d’y être, on lui a manqué pendant les vacances. (Je m’interromps et repose ma fourchette.) Elle voudrait que je l’accompagne au ski l’été prochain. Je pourrais y aller, tu crois ?
Maman hésite.
– On verra.
Bon, au moins, ce n’est pas non direct. Ce qui pose le plus problème à ma mère, c’est que j’y parte seule : elle trouve ma copine beaucoup trop souvent livrée à elle-même, et c’est pour cette raison qu’elle s’attirerait aussi souvent des ennuis. Maman refuse de me laisser juste avec Sierra, et puis… je sais que nous n’en avons pas vraiment les moyens, ce qui me fait culpabiliser de demander.
– Le ski, ça peut être cher, continue maman. Mais on pourrait éventuellement y aller toutes les deux pendant quinze jours. Je vais y réfléchir.
– C’est vrai ? dis-je, la voix un peu haut perchée. Et si je trouvais un boulot pour payer ma part ? Il y en a quelques-uns au lycée qui travaillent, maintenant. J’ai quinze ans, je peux avoir un job.
– Doucement. Tu n’as aucune raison de faire ça. Je ne veux pas que tu travailles. De l’argent, on en a. C’est juste que je mettais de côté pour tes études.
– Je sais, je sais. Et pour ta retraite…
Maman sourit. Nous terminons notre repas et je remplis le lave-vaisselle.
– On se fait un petit film ?
– Non, je… Je retourne dans ma chambre discuter avec Riley. Elle est un peu déprimée, parce qu’elle a re-rompu avec Joel.
Maman lève les yeux au ciel, comme Sierra tout à l’heure.
Je repars à l’étage. En fait, j’ai envie de voir si Jacob Jones m’a renvoyé un mail. Je m’assieds avec ma tablette et quand je touche l’écran, j’en trouve un nouveau.
Coucou,
Désolé d’avoir disparu.
Tu ne m’as pas dit ce qui te plaisait…
J
J veut savoir ce qui me plaît. Un petit rire monte de ma poitrine.
Jacob Jones. Jacob Jones. Jacob et Taylor. Taylor Jones.
Je m’entraîne à élaborer une signature en tant que « Taylor Jones ». Le y et le J forment de grandes boucles sous les autres lettres. Ça rend bien.
Bon, ce qui m’intéresse. Voyons.
Salut J,
J’adore aller à la plage, et ma matière préférée, c’est la littérature.
J’efface la deuxième partie. Non, mais franchement !
Euh… Les balades à vélo ?
Si j’écris ça, il risque de s’imaginer une fille ultra-sportive. Je supprime aussi et je m’en tiens à : « J’adore aller à la plage. » J’envoie sans signer. Ah, la musique ! Pourquoi je n’y ai pas pensé ? Mieux, les festivals. Merde. C’est clair, j’aurais dû mettre « les festivals de musique ».
Il répond aussitôt.
Tu veux qu’on parle sur Skippertychat ?
Il m’envoie le lien.
Je me sens comme les filles dans les vieux films : j’attendais sur un banc dans la salle de bal, et on vient de me proposer de danser. Je clique sur le lien.
Coucou, écris-je.
Coucou aussi. Moi aussi, je suis plage à fond. T surfeuse ?
Non, mais j’ai essayé plusieurs fois. C’est super-sympa.
Tu vas à quelle plage, sur Melbourne ?
J’aime bien Torquay, mais je peux pas toujours y aller.
Pareil.
Je ne sais pas quoi dire. Je me jette sur mon téléphone et envoie un SMS à Riley.
OMG
Quoi ?
Je chatte avec un mec en ce moment.
Ah bon ? OMG !!! Comment ça se fait ? Il ressemble à quoi ?
Je sais pas.
Demande une photo.
Je peux pas !
Mais si, demande !
OK.
Au fait, je suis de nouveau avec Joel. On vient de raccrocher au tel. JLAT ! Abrégé pour JE L’AIME TROP :D :D :D
Sérieux, t’es vraiment pas possible ! Bon, je lui demande une photo.
Je repars sur ma tablette.
T sur Instagram ? Tu peux me donner une photo de toi ?
J’appuie sur « envoyer ». Waouh, j’angoisse et je me demande ce qu’il va penser de moi. Je ne peux pas lui réclamer une photo sans être prête à lui rendre la pareille. Je passe tout de suite sur Instagram pour regarder. Dans le cliché que j’aime le plus, je suis avec Sierra. À côté d’elle, on ne me voit plus, mais si elle n’était pas là, je serais plutôt pas mal. Je n’ai pas de boutons et mes cheveux ne frisottent pas dans tous les sens. Je m’empresse de supprimer Sierra de l’image et je corrige l’exposition pour avoir l’air un peu bronzée. J’envoie le lien à Jacob.
En retour, je ne reçois pas un lien, mais une pièce jointe, que j’ouvre aussitôt. Jacob Jones. Il a les cheveux blonds et une belle peau hâlée. J’ai du mal à distinguer la couleur de ses yeux, parce qu’il ne regarde pas l’objectif. En fait, vu l’angle où c’est pris, on ne sait pas vraiment à quoi il ressemble. Son profil est prometteur, en tout cas. Il est torse nu, le haut de sa combi de surf pend devant lui et ses épaules sont constellées de gouttes d’eau. Il a des bras… et un torse… impressionnants. En arrière-plan, le ciel est bleu vif et on voit les abris pour bateaux peints en couleurs vives de la plage de Brighton. Ce mec est à tomber.
Je saisis mon téléphone.
Riley, t’es là ? Trop beau, trop beau, trop beau. Il est canon !!!
Avant que Riley puisse répondre, je reçois un message de Jacob :
WAOUH ! Tu es éblouissante.
À ce moment, mon portable sonne. C’est Riley.
– Hello !
Ma mère est en bas, mais j’essaie de parler aussi bas que possible. Pourtant, j’ai du mal à contenir l’excitation dans ma voix.
– Alors, c’est quoi, cette hsitoire ? Tu l’as rencontré où, ce mec ?
J’explique à Riley ce qui s’est passé avec Sierra, qui a utilisé mon nom. Encore une fois. Et qui a filé mon adresse à un inconnu. Encore une fois.
– Elle fait n’importe quoi ! Sérieux…
C’est tendu entre Riley et Sierra depuis un bon moment. Sans moi, Riley aurait déjà viré Sierra de notre groupe de potes. Trop survoltée, je fais comme si je n’avais pas entendu.
– Bref, c’est ce qu’elle a fait, alors il m’a contactée en me prenant pour elle, et je sais pas ce qui s’est passé, mais là, c’est moi qui suis en train de chatter avec lui.
Je lui raconte tout ce que nous nous sommes dit jusqu’ici. Riley est explosée de rire avec mon histoire de photo de seins.
– Sierra va criser quand elle le saura ! Tu lui en as parlé ?
– Pas encore. Je la revois pas avant lundi. Je veux qu’elle pense que je suis vénère qu’elle lui ait donné mon mail. Et je le suis, mais bon… Écoute, il ne va rien se passer, bien sûr, mais c’est agréable, tu vois, d’avoir un mec qui me trouve intéressante et…
D’un coup, je me trouve ridicule.
– Il est encore en ligne ?
– Je crois. Je ne savais pas quoi répondre, il m’a dit que j’étais éblouissante.
Je sens la rougeur envahir mon cou et mon visage.
– Mais c’est vrai ! Remercie-le et ajoute qu’il est beau gosse.
Je me retourne vers mon écran, resté sur WAOUH ! Tu es éblouissante.
Merci. J’efface ce que je viens de taper, que je remplace par : Cool, la photo. J’adore ces hangars. J’ai à peine envoyé ma réponse que je la regrette déjà. « J’adore ces hangars » ? Rah, c’est trop naze. J’avoue à Riley ce que j’ai écrit et elle se bidonne.
– Tu sais quoi, Taylor ? C’est pour ça que tu es éblouissante. Ah, je viens de recevoir ton mail. (Je lui ai fait suivre le message de Jacob. Elle se remet à rire.) Ah ouais, très jolis, ces abris pour bateaux ! (Elle s’esclaffe plus fort.) Il est trop beau ! Ah, je te jure.
– Je suis pas douée…
– C’est clair ! (Elle rit encore, puis se reprend.) Désolée, mais j’arrive pas à détacher les yeux de ces superbes hangars.
Après avoir bavardé encore un peu, nous nous disons au revoir. Je dois focaliser mon attention sur Jacob, qui vient de me demander :
Dis-m’en plus sur ta photo. Où tu étais ? Qu’est-ce que tu faisais ?
Je lui donne des détails, et sans avoir à me forcer, ça fait plutôt cool. Une fête avec mes amis… Ça donne l’image d’une fille qui sait s’amuser. On se raconte notre vie. Il a un petit frère qui fait aussi du surf. Il est super-vexé, parce que c’est lui qui lui a donné des leçons, mais maintenant, son cadet est meilleur que lui. Son père est médecin, ma mère infirmière. J’ai envie d’apprendre à skier, il aime le snowboard. Je vais au lycée Trueman, et le sien n’est pas très loin, c’est Windridge. J’adore Reece Mastin, et lui Guy Sebastian, un autre chanteur qui a aussi gagné à X Factor. Notre petite conversation dure si longtemps que je dois m’éclipser aux toilettes. Nous passons cinq heures comme ça avant de nous déconnecter, avec l’impression de tout connaître l’un sur l’autre. Je lui ai même parlé de papa, qui est mort quand j’avais huit ans et a été malade plusieurs années avant. Je ne l’évoque avec presque personne, à part maman et des fois Sierra.
Allongée sur mon lit, j’ai la tête qui tourne. Je ne veux rien oublier de ce que m’a dit Jacob.
Il faut que je devienne plus sexy.
À partir de demain, je suis au régime, et je fais du sport. Je dois être jolie en deux-pièces.
Je me réveille tard, et tout de suite, j’appelle Riley pour m’extasier.
– Je veux trop être là quand tu raconteras ça à Sierra lundi, déclare-t-elle.
J’avais oublié que j’étais censée en vouloir à Sierra. Au contraire, j’ai très envie de lui téléphoner et de lui parler de Jacob. Elle serait contente pour moi. Elle pousserait des cris à n’en plus finir, je l’entends d’ici.
Une fois que j’ai raccroché, je descends en short et baskets, prête à faire un jogging. À la table, maman lit le journal en buvant un café.
– Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-elle en souriant.
– Je vais courir. Je veux perdre du poids.
– Beaucoup ?
– Euh, je sais pas. Je voudrais juste être potable en deux-pièces.
Elle rit.
– Comme nous toutes ! Tant que tu y vas doucement et que tu restes raisonnable, c’est très bien. Bravo !
Elle ne prétend pas que je n’en ai pas besoin.
– À tout à l’heure.
Je passe la porte d’entrée au pas de course et m’élance dans la rue. Au bout de deux minutes, les poumons me brûlent et mes cuisses paraissent lourdes à déplacer. Pourtant, je tiens le coup.
Ja-cob Jones. Ja-cob Jones. Ja-cob Jones.
Je me chante ça comme un mantra, en avançant un pied à chaque syllabe, pendant toute ma course dans notre banlieue pavillonnaire.
Au retour, je m’effondre sur la pelouse, devant la maison. Le soleil embrase ma peau couleur betterave. Je me redresse et me protège les yeux, puis je me mets à quatre pattes avant de me relever. Enfin, je me traîne sous la douche et laisse l’eau me couler dessus. Demain, mes muscles vont se venger.
Quand je finis par regagner ma chambre, j’ai reçu un mail.
C’est Jacob.
Calme plat aujourd’hui, donc pas pu surfer, mais je me suis dit que cette photo te plairait.
Ce sont les hangars multicolores, alignés sur le sable blanc, sous un ciel bleu vif.
J’adore ! Merci.
Biz
T
J’allume mon ordi, enregistre la photo que je mets en arrière-plan du bureau. J’ai envie de la voir dès que j’ouvre le portable.
Jacob Jones a pensé à moi, ce matin à la première heure.
Jacob Jones. Jacob et Taylor. Taylor Jones.
C’est qui, Callum, déjà ?
Je crois que je suis amoureuse.
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Parlons de l'auteur:
Fleur Ferris
Fleur a grandi dans une ferme, dans la province de Victoria en Australie, jusqu’à ses dix-sept ans. Puis elle a déménagé des dizaines de fois en vingt ans. Elle dit avoir découvert la face sombre de l’humanité en travaillant dans la police. Aujourd’hui, elle s’est installée dans une ferme au pays de Galles avec son mari et ses trois enfants.
Son site

Bibliographie:

Quelques liens indispensables:

1 commentaire:

  1. Sujet très intéressant et dans l'air du temps... j'ai adoré.
    Katia

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