Genre: Historique
Nombre de pages: 224
Date de sortie: 08/2013
Prix support papier: 20€00
Prix format numérique: 14€99
ISBN: 978-2-330-02260-0
Editions: Actes Sud
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Synopsis:
En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.
“Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas. – Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas. Mila se retourne : – Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ? – La même chose que toi. Une raison de vivre.” |
Prix des Lecteurs du Maine Libre - 2013
Prix SOS Libraires Littérature française - 2014
Prix des Libraires - 2014
Mon avis:
Ce livre, je l'ai mis dans ma WL dès sa sortie. La couverture, le résumé et le titre m'ont interpellé. Pour autant, je ne me le suis pas procuré de suite. Par chance, je l'ai trouvé quelques semaines plus tard à la bibliothèque, c'était l'occasion ou jamais de découvrir ce qui se cachait derrière ce roman intrigant.
Informations:
Ce roman comprend un prologue, neuf chapitres et un épilogue.
Mes ressentis:
J'ai mis longtemps à écrire mon avis sur ce livre, je ne savais pas si je devais faire ou non une chronique. Pas évident d'expliquer ce que j'ai ressenti lors de cette lecture si difficile. Je vais essayer de faire de mon mieux pour partager avec vous mes sentiments.
Apparemment, ce livre plaît beaucoup, il est plutôt bien noté sur les divers sites comme Booknode, Babelio, Livraddict ...
Pour être honnête, je ne serais vous dire si j'ai aimé ou non cette lecture.
Heureusement, il n'est pas très long et je pense que ce n'est pas plus mal, car le contenu est rude.
L'auteure nous donne beaucoup d'informations, de détails, il n'est pas difficile d'imaginer les lieux, les paysages et les atrocités qui nous sont narrées. J'ai souffert avec ces femmes, j'ai eu des frissons d'horreur et mon cœur de maman s'est brisé à plusieurs reprises.
On y découvre la vie des femmes au camp de Ravensbrück pendant la seconde guerre mondiale. On suit de plus prêt Mila, une jeune femme de 20 ans qui pense être enceinte, mais n'a aucune certitude. La seule chose qu'elle sait, c'est qu'il faut qu'elle garde pour elle ses doutes pour ne pas être envoyée dans un autre camp. Nous sommes au plus prêt de Mila, son personnage prend beaucoup de place, ses ressentis prennent vie en nous. Nous éprouvons alors ses peurs, ses questionnements, sa tristesse, ses doutes, ses petits espoirs, sa douleur ... C'est une multitude de sentiments qui nous explose en pleine figure.
Les personnes qui entourent Mila vivent, elles aussi, des moments difficiles et la compassion est bien là et ne m'a pas quittée pour ses femmes si courageuses. C'est pour cela que je n'ai pas arrêté ma lecture, c'est pour ces raisons que je n'ai pu déposer et oublier ce roman. Une fois commencé, vous ne pouvez que aller au bout de cet ouvrage.
Je n'ai pas aimé ce que j'aie lu, il y a certains mots qui font mal, certaines images que l'on ne veut pas avoir en tête, malgré tout, si vous me demandez si vous devez ou non lire ce livre, je vous dirais pourtant, oui, vous devez, parce qu'il ne vous laissera pas indifférent et qu'il en vaut le coup. Sans oublier qu'au-delà de l'atroce histoire que contient ce roman, il y a aussi un très beau message de solidarité, c'est le petit côté positif. Les femmes entre elles étaient extrêmement liées et unies, elles menaient le même combat et avaient les mêmes rêves et c'est ce que je préfère retenir.
Pour conclure:
Une lecture difficile, peut-être la plus dure que j'ai lue depuis de début de l'année. Le sujet est affreux, certains passages sont atroces. À ne pas mettre entre toutes les mains.
Angélique
Extrait:
Prologue
Elle dit mi-avril 1944, nous partons pour l’Allemagne.
On y est. Ce qui a précédé, la Résistance, l’arrestation, Fresnes, n’est au fond qu’un prélude. Le silence dans la classe naît du mot Allemagne, qui annonce le récit capital. Longtemps elle a été reconnaissante de ce silence, de cet effacement devant son histoire à elle, quand il fallait exhumer les images et les faits tus vingt ans ; de ce silence et de cette immobilité, car pas un chuchotement, pas un geste dans les rangs de ces garçons et filles de dix-huit ans, comme s’ils savaient que leurs voix, leurs corps si neufs pouvaient empêcher la mémoire. Au début, elle a requis tout l’espace. Depuis Suzanne Langlois a parlé cinquante fois, cent fois, les phrases se forment sans effort, sans douleur, et presque, sans pensée.
Elle dit le convoi arrive quatre jours plus tard.
Les mots viennent dans l’ordre familier, sûrs, elle a confiance.
Elle voit un papillon derrière la vitre dans les branches de platane ; elle voit couler la poussière dans la lumière oblique rasant les chevelures ; elle voit battre le coin d’un planisphère mal scotché. Elle parle. Phrase après phrase elle va vers l’histoire folle, la mise au monde de l’enfant au camp de concentration, vers cette chambre des nourrissons du camp dont son fils est revenu vivant, les histoires comme la sienne on les compte sur les doigts de la main. C’est aussi pourquoi elle est invitée dans ce lycée, l’épreuve singulière dans la tragédie collective, et quand elle prononcera le mot Kinderzimmer, tout à l’heure, un silence plus dense encore tiendra la classe comme un ciment. Pour l’instant, elle est juste descendue du train, c’est l’Allemagne, et c’est la nuit.
Elle dit nous marchons jusqu’au camp de Ravensbrück. Une fille lève la main. À ce moment du récit ce n’est pas habituel. Une main levée comme un signal, une peau très pâle, et dans le sourcil droit, un minuscule anneau rouge. La main levée déroute Suzanne Langlois, le récit bute contre la main, une main sur sa bouche, et se fragmente.
La fille demande si Suzanne Langlois avait entendu parler de
Ravensbrück en France, avant le départ.
Suzanne Langlois dit j’ai su qu’il y avait des camps, c’est tout.
Et dans le train pour l’Allemagne, elle connaissait la destination ?
— Non.
— Alors quand vous avez compris que vous alliez à Ravensbrück ?
Suzanne Langlois hésite, et puis : je ne sais pas. De toute façon elle n’aurait pu comprendre qu’elle allait à Ravensbrück, quand bien même elle aurait su ce nom il n’aurait évoqué qu’un assemblage de sons gutturaux et sourds, ça n’aurait eu aucun sens avant d’y être, avant de le vivre.
— Alors, vous ne saviez pas où vous étiez ?
Suzanne Langlois sourit, hésite, puis : non.
Elle ajuste son châle. Elle essaie de reprendre, de convoquer le mot qui doit surgir à ce point du récit. Les trente garçons et filles de dix-huit ans la fixent, attendent. Et c’est comme une écharde dans le gras de la paume. Une gêne infime, une pointe mauve qui passerait inaperçue si la chair n’était pas si lisse, si régulière autour. Cette question de la fille. Quand est-ce que j’ai su, pour Ravensbrück. Quand ai-je entendu le mot Ravensbrück pour la première fois.
Personne avant n’a posé cette question, il a fallu cette fille à la peau blanche percée d’un anneau rouge. Elle cherche, dans ses images internes, au-delà du planisphère corné, du papillon, de la diagonale de lumière, un panneau sur la route qui conduit au camp, un poteau, une inscription frontale, ou une voix pour prononcer ce mot : Ravensbrück. Mais rien n’est inscrit, nulle part, rien n’est dit dans le souvenir. Le camp est un lieu qui n’a pas de nom. Elle se rappelle Charlotte Delbo, la poète. Les mots de Charlotte évoquant Auschwitz, un lieu d’avant la géographie, dont elle n’a su le nom qu’après y avoir passé deux mois.
— En fait, reprend la fille, vous ne saviez rien ce jour-là ? Vous n’en saviez pas plus sur Ravensbrück alors, que nous maintenant ?
Et après un silence la femme répond : oui, peut-être.
Elle ajuste son châle. Elle essaie de reprendre, de convoquer le mot qui doit surgir à ce point du récit. Les trente garçons et filles de dix-huit ans la fixent, attendent. Et c’est comme une écharde dans le gras de la paume. Une gêne infime, une pointe mauve qui passerait inaperçue si la chair n’était pas si lisse, si régulière autour. Cette question de la fille. Quand est-ce que j’ai su, pour Ravensbrück. Quand ai-je entendu le mot Ravensbrück pour la première fois.
Personne avant n’a posé cette question, il a fallu cette fille à la peau blanche percée d’un anneau rouge. Elle cherche, dans ses images internes, au-delà du planisphère corné, du papillon, de la diagonale de lumière, un panneau sur la route qui conduit au camp, un poteau, une inscription frontale, ou une voix pour prononcer ce mot : Ravensbrück. Mais rien n’est inscrit, nulle part, rien n’est dit dans le souvenir. Le camp est un lieu qui n’a pas de nom. Elle se rappelle Charlotte Delbo, la poète. Les mots de Charlotte évoquant Auschwitz, un lieu d’avant la géographie, dont elle n’a su le nom qu’après y avoir passé deux mois.
— En fait, reprend la fille, vous ne saviez rien ce jour-là ? Vous n’en saviez pas plus sur Ravensbrück alors, que nous maintenant ?
Et après un silence la femme répond : oui, peut-être. Elle ajuste son châle. Elle essaie de reprendre, de convoquer le mot qui doit surgir à ce point du récit. Les trente garçons et filles de dix-huit ans la fixent, attendent. Et c’est comme une écharde dans le gras de la paume. Une gêne infime, une pointe mauve qui passerait inaperçue si la chair n’était pas si lisse, si régulière autour. Cette question de la fille. Quand est-ce que j’ai su, pour Ravensbrück. Quand ai-je entendu le mot Ravensbrück pour la première fois. Personne avant n’a posé cette question, il a fallu cette fille à la peau blanche percée d’un anneau rouge. Elle cherche, dans ses images internes, au-delà du planisphère corné, du papillon, de la diagonale de lumière, un panneau sur la route qui conduit au camp, un poteau, une inscription frontale, ou une voix pour prononcer ce mot : Ravensbrück. Mais rien n’est inscrit, nulle part, rien n’est dit dans le souvenir. Le camp est un lieu qui n’a pas de nom. Elle se rappelle Charlotte Delbo, la poète. Les mots de Charlotte évoquant Auschwitz, un lieu d’avant la géographie, dont elle n’a su le nom qu’après y avoir passé deux mois.
— En fait, reprend la fille, vous ne saviez rien ce jour-là ? Vous n’en saviez pas plus sur Ravensbrück alors, que nous maintenant ?
Et après un silence la femme répond : oui, peut-être.
Parlons de l'auteur:
Valentine Goby est née en 1974. Elle est notamment l’auteur de L’Échappée (Gallimard, 2007), Qui touche à mon corps je le tue (Gallimard, 2008), Des corps en silence (Gallimard, 2010) et Banquises (Albin Michel, 2011). Elle écrit également pour la jeunesse. Kinderzimmer (Actes Sud, 2013) est son huitième roman.
Un mot de l'auteur:
«D’abord, il y eut cette rencontre, un jour de mars 2010 : un homme de soixante-cinq ans se tient là, devant moi, et se présente comme déporté politique à Ravensbrück. Outre que c’est un homme, et à l’époque j’ignorais l’existence d’un tout petit camp d’hommes non loin du Lager des femmes, il n’a surtout pas l’âge d’un déporté. La réponse est évidente : il y est né. La chambre des enfants, la Kinderzimmer, semble une anomalie spectaculaire dans le camp de femmes de Ravensbrück, qui fut un lieu de destruction, d’avilissement, de mort. Des bébés sont donc nés à Ravensbrück, et quoique leur existence y ait été éphémère, ils y ont, à leur échelle, grandi. J’en ai rencontré deux qui sont sortis vivants de Ravensbrück, ils sont si peu nombreux, et puis une mère, aussi. Et la puéricultrice, une Française, qui avait dix-sept ans alors. C’était un point de lumière dans les ténèbres, où la vie s’épuisait à son tour, le plus souvent, mais résistait un temps à sa façon, et se perpétuait : on y croyait, on croyait que c’était possible. Cette pouponnière affirmait radicalement que survivre, ce serait abolir la frontière entre le dedans et le dehors du camp. Envisager le camp comme un lieu de la vie ordinaire, être aveugle aux barbelés. Et donc, se laver, se coiffer, continuer à apprendre, à rire, à chanter, à se nourrir et même, à mettre au monde, à élever des enfants ; à faire comme si. J’ai écrit ce roman pour cela, dire ce courage fou à regarder le camp non comme un territoire hors du monde, mais comme une partie de lui. Ces femmes n’étaient pas toutes des héroïnes, des militantes chevronnées, aguerries par la politique et la Résistance. Leur héroïsme, je le vois dans l’accomplissement des gestes minuscules du quotidien dans le camp, et dans ce soin donné aux plus fragiles, les nourrissons, pour qu’ils fassent eux aussi leur travail d’humain, qui est de ne pas mourir avant la mort. Mila, mon personnage fictif, est l’une de ces femmes. Kinderzimmer est un roman grave, mais un roman de la lumière.»
V.G.
Bibliographie:
♦ Le cahier de Leïla : De l'Algérie à Billancourt → Editions Autrement Jeunesse (2014)
♦Thiên An ou La grande traversée du Vietnam à Paris XIIIe → Editions Autrement Jeunesse (2014)
♦Kinderzimmer → Editions Actes Sud (2013)
♦Kinderzimmer → Editions Actes Sud (2013)
♦Banquises → Editions Albin Michel (2011) ; Editions Le Livre de poche (2013)
♦La porte rouge → Poche France (2013)
♦Une preuve d'amour → Editions Thierry Magnier (2013)
♦Le voyage immobile → Editions Actes Sud Junior (2012)
♦Lyuba ou la tête dans les étoiles : Les Roms, de la Roumanie à l'Ile-de-France → Editions Autrement (2012)
♦Antonio ou la Résistance → Editions Autrement Jeunesse (2011)
♦Des corps en silence → Editions Gallimard (2010)
♦Méduses → Éditions Jérôme Millon (2010)
♦Qui touche à mon corps, je le tue → Editions Gallimard (2008)
♦L’échappée → Roman Gallimard (2007)
♦Petit éloge des grandes villes → Editions Gallimard (2007)
♦L’antilope blanche → Editions Gallimard (2005)
♦Sept jours → Editions Gallimard (2003)
♦La note sensible → Editions Gallimard (2002)
Quelques liens indispensables:
merci pour cette découverte, je le note pour ma WL. J'aime beaucoup lire des livres sur cette époque, même si ca reste des sujets très sensibles.
RépondreSupprimerDe rien. N'hésite pas à le lire et bon courage ...
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